l'OMBRE d'un ANGE

L'histoire d'un regard

   C’est toute l’histoire d’un regard que je vais vous conter. Tout est parti du regard. De son regard.

   On était nombreux dans cet établissement. Collège-Lycée, alors forcément... Forcément on était 1200 élèves. Plus les professeurs. Plus les pions. Plus toute l’administration, sans oublier les gars de la maintenance, les femmes de ménage, et les cuistos. Rien que ça. On devait taper dans les 1400 personnes dans ce patelin. Sur ces 1400 personnes, il a fallut que je tombe sur lui.

   Sur son regard.

 

   Forcément je devais le croiser dans les couloirs, ou dans la cour. Mais je ne l’avais jamais remarqué avant ce jour. Faut dire que je n’étais pas le seul à l’avoir remarqué. Pour la bonne raison qu’il y a eut bagarre.

   Tout avait commencé dans l’enceinte du lycée. Une querelle classique. Un con qui vient emmerder le gars qui a rien demandé à personne. Mais se taper dessus dans le lycée c’est risquer une sanction disciplinaire. Alors dans ces cas-là on se donne toujours rendez-vous dehors. Le plus souvent l’un des deux ne vient pas. Et tout le monde est content.

   Là ç’na pas été le cas. Les deux sont venus, mais l’emmerdeur avec deux copains à lui.

 

   Le groupe de trois s’est arrêté à six bons mètres de leur proie. Ils étaient sûrs d’eux. A trois contre un, qui ne le serait pas ?

   Et Lui restait tranquille, sans afficher aucune expression sur le visage. A ce moment je me rappelle m’être dit qu’il valait mieux le dissuader de continuer. Quitte à ce qu’il y laisse un peu d’honneur. Et juste au moment où j’allais sortir des rangs des spectateurs, et me précipiter vers lui, j’ai vu ses yeux. Il ne me regardait pas, non, mais je voyais quelque chose dans son regard. Et comme tout le monde criait « Allez vas-y ! », j’avais l’impression d’être la seule. C’était… étrange… Plus une impression, un vague pressentiment… Mais ce ne sont pas les mots exacts. Je ne sais pas comment définir ce que j’ai ressenti à ce moment précis.

   C’était de la force que je sentais dans ses yeux. Mais pas seulement. De la détermination. De la glace, et des flammes en même temps. Et autre chose… Pire que la force et la colère réunis… Qu’est-ce que c’était ?

   La couleur de ses prunelles n’arrangeait rien à la sensation. D’un bleu gris… Quoi, magique ?

 

   L’instant d’après, il faisait un pas en avant.

   Il relevait le défi, même seul contre tous.

   Je portais mes mains à ma bouche, avec effroi, avec peur, avec appréhension. Mais personne n’aurait pu prévoir ce qui allait se passer.

 

   Il se laissa entourer, regardant l’un après l’autre ses adversaires. Soudainement, il fit un pas de côté et leva la jambe à hauteur de tête. Le garçon esquiva de justesse. Son assaillant ne perdit pas de temps. Anticipant sur les mouvements des deux autres dans son dos, il se retourna et détendit sa jambe. Cette-fois le coup de pied s’enfonça dans un ventre charnu. Le gars repartit en arrière et roula au sol. Le premier lui saisit alors les bras et les bloqua dans le dos. Le troisième s’avança, un sourire sur les lèvres. Il prit le premier coup de pied au genou droit, puis le second à la hanche, et comme il était sonné, il resta sur place, encaissant le troisième dans les côtes. Le quatrième, enfin, en pleine tempe, le coucha sur le coté, inconscient. Le dernier, qui lui retenait toujours les bras prisonniers, prit un coup de tête dans le nez, qui le sonna. Suffisamment pour qu’il relâche un peu son étreinte. On lui fait une clé de poignet, mais si rapidement que l’élan emporte tout le corps, et le voilà qui tournoie sur le côté pour finalement s’écraser sur le dos.

   A un contre trois, il n'avait pas prit un coup. Et au moins deux iront à l’hosto. Le premier pour son coup à la tête, le second pour faire des radios du poignet du coude et de l’épaule.

   Les gens applaudirent. Lui ne fit rien. Il n’eut pas de sourire, ni de réaction quelconque. Son regard n’avait rien perdu de son éclat. Il récupéra son sac à dos laissé à l’écart, et s’en fut sans se retourner.

   Je lui courus après, et lui mis la main sur l’épaule pour le forcer à me faire face. Ce qu’il fit. Il me fixa droit dans les yeux.

   - Est-ce que c’était juste pour une histoire d’honneur et de fierté masculine ? lançai-je avec curiosité.

   J’eus alors l’impression que son regard me perçait au plus profond de moi-même. Ce dernier avait changé. Comme si tout ce qui restait n’était que… la glace et les flammes...

   - Si ça pouvait être aussi simple… Ces trois là auraient pu emmerder une fille. Qu’est-ce qu’elle aurait fait ? Elle serait venu les bagarrer ? Ici, comme ça ? J’en doute. Mieux vaut moi qu’un autre.

   - Et pour eux ?

   Il haussa les épaules.

   - Eux, se sont les méchants de l’histoire. Ils recommenceront pas avant un petit moment, du moins tant que je serai dans les parages. Pourquoi tu me fixes comme ça ?

   - Parce que t’as de beaux yeux.

   C’était sorti tout seul. Juré ! Mais il esquissa un demi-sourire, et déclara :

   - Trouves quelqu’un qui sache rire, et te faire rire. Tu le mérites.

   Il se détourna, et marcha. Je ne le suivis pas. J’étais trop sonnée.

 

   Le soir, prise d’un sentiment étrange, je m’emparais d’une feuille de papier et du stylo le plus proche.

   Après maintes ratures, j’obtins ceci :

 

He was more than that

He was more than a simple shadow in the night

Insufflating hope, flourishing light

Whispering to the spirits and making a flight

A flight of liberty and an honorable sight

 

He was more than a simple angel

Breathing life, but also violence

No one should offence

Offence the embodiment of anger

 

He was more than a simple friend

He was the eternal fight of the Good against the Evil

He was God, and Devil

He was the silence, again and again

 

   Au fur et à mesure que je réécrivais le poème au propre sur une nouvelle feuille, je m’endormais. Mes paupières se faisaient lourdes, je devais faire de plus en plus d’efforts pour écrire droit et élégamment.

   Juste quand je finissais d’écrire le dernier mot, la dernière lettre, ma main retomba. Mes paupières se baissèrent pour ne plus se relever, le stylo roula sur le papier puis sur le lit.

   La fenêtre était ouverte. Un brusque courant d’air s’engouffra dans la pièce, faisant se soulever la feuille. Elle passa par l’ouverture.

   Le vent redoubla de force, la faisant promener dans les airs. Elle monta haut dans le ciel, remonta une rue, puis une deuxième. Puis traversa un quartier entier.

   La feuille passa par une nouvelle fenêtre ouverte. La chambre était éclairée, quelqu’un veillait. C’était le garçon aux yeux étranges. Il était assis en tailleurs sur le lit. Il réfléchissait, sans bouger. A la rixe de la journée, mais également à la fille qui l’avait accostée. Sans savoir pourquoi, elle était présente en chacune de ses pensées.

   Quand le vent apporta la feuille, il releva la tête, alerté par le petit froissement de papier quand elle échoua sur le sol. Fronçant les sourcils, il se leva, s’approchant lentement. Il s’accroupit, ramassa le poème, et le lut.

 

   Une larme roula sur sa joue.

 

 

   Notes de l'auteur du blog, et de la nouvelle :

   Le personnage principal est une adolescente. Par conséquent, lecteurs, ne prêtez pas attention à l'enveloppe charnelle des personnages mêmes, mais plutôt à ce qu'elle signifie. Quant au message que je veux faire passer à travers ce récit fictif, chacun peut en voir un différent, par rapport à son vécut et à ses pensées.



28/05/2011
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