Celui que j'aurai du être
Le solitaire
Si peu d’amis, et tant d’ignorance.
Tant d’amour, et si peu d’attention.
Tant d’attente, et si peu de résultats.
Aucun cœur, et tant de douleur.
Un jour j'ai écrit une nouvelle. C'était l'histoire d'un garçon, de mon âge, qui était tout le temps seul. Seul en cours, seul chez lui, seul au café, seul sur la route. Toujours seul. C'était rare de le voir parler à quelqu'un. Pourtant c'était lui qui chopait toujours les meilleures notes et qui attirait tous les regards. Mais il était mystérieux, renfermé, alors on s'en méfiait.
Un jour une bande de fauteurs de troubles essaya de le racketter, juste histoire de s'amuser. Sans colère, il en envoya deux sur quatre à l'hôpital, et les deux autres au moins à l'infirmerie. On murmura dans le lycée, des rumeurs se propagèrent comme un fléau. Et lui était toujours seul, toujours plus solitaire. On racontait qu'il était fou dangereux, même. Et la violence dont il avait su faire preuve s'ajoutait à cela.
Un soir qu'il traînait dans les ruelles, il entendit une femme crier à l'aide. Il accourut. Deux hommes brutalisaient une jeune femme. Il ne réfléchit pas à deux fois : il s'en mêla. Les deux hommes prirent la fuite après quelques coups sévères, et lui s'en tira sans une égratignure.
La victime était en fait une adolescente de sa classe. Il firent plus ample connaissance, au calme. Il se confia à elle. Et elle le comprit. Si bien... Et elle comprit que lui, finalement, il était libre dans sa tête.
Plusieurs fois il traîna la nuit, et intervint dans des agressions. Jusqu'à ce qu'un jour il prenne un mauvais coup de couteau, et meure à cause de la perte de sang. Seul, dans le noir. Mais pas oublié.
J'avais écrit la nouvelle à la main, sur papier. Je n'avais qu'un exemplaire.
Je l'ai brûlé.
Parce que ce solitaire c'est celui que j'aurai du être.